Madame Gényer

MADAME GENYER (1756 Moissac – 1839 Moissac).
Mme_GenyerMadame Gényer, née Marie Jacquette Roberte GOUGES, vit le jour le 29 août 1756 dans une maison située rue « des Religieuses » à Moissac. Sa mère, Guillaumette Lassabathie, appartient à une famille de marchands ; son père, Antoine Gouges, est négociant en minoterie. Elle est cousine en second d’Arnaud Raymond Gouges-Cartou (voir sa notice) et d’Arnaud Jérôme Gouges (grand-père d’Adrien Lagrèze-Fossat). Son mari, Pierre Gényer (1737 – 1802)* est l’un des minotiers les plus importants de la cité ; il est à la tête d’une grosse fortune. Il est aussi cousin en second avec sa future femme. Ces mariages entre cousins éloignés permettent d’avoir la main mise sur le commerce des blés et farines entre les mains d’une demi douzaine de familles locales. Les demeures de ces puissantes familles sont de grosses bâtisses car les familles sont nombreuses et il faut pouvoir stocker les grains dans les greniers. La plupart de ces grosses maisons remaniées ou rebâties dans le courant du 18e siècle se situent dans le quartier du Port.
Le mariage, célébré le 16 septembre 1772 à Saint-Jacques alors qu’elle vient d’avoir seize ans, voit donc se concentrer deux fortunes conséquentes. Deux enfants naquirent de cette union : l’aîné, un garçon, mort en bas âge et une fille, Guillaumette Adélaïde Louise Rose, qui malheureusement n’atteint même pas sa seizième année victime, en 1792, d’une trop forte commotion suite à l’intrusion d’émeutiers et au saccage commis à deux reprises, de leur maison, rue du Pont. Ce fut une grosse épreuve pour Madame Gényer. Dorénavant, elle se réfugia dans la solitude et la religion. Elle se rendait souvent chez les Clarisses de l’autre côté de la rue ou chez les Dominicaines de Castelsarrasin.
En 1789, Pierre Gényer figure dans la liste des Représentants du « Tiers Etat » auprès de la Sénéchaussée de Lauzerte, mais ce fut Gouges-Cartou qui fut élu député. Durant l’année 1790, il fait partie de la nouvelle municipalité.
La famille Gényer étant riche, chrétienne et royaliste la situation ne pouvait que s’aggraver durant les années 1792/1793. Sur l’initiative de Mme Gényer, des cérémonies religieuses, comme la messe, sont organisées à domicile, clandestinement. Deux de ses frères, Charles Gouges et Benoît Gouges prêtres à Moissac, ayant été arrêtés et séquestrés à Cahors, elle fit le voyage pour tenter de les faire sortir, en vain ; ils seront libérés après la chute de Robespierre. Deux autres frères, François et Ambroise étaient aussi dans les ordres. Son mari, Pierre Gényer, fut aussi incarcéré mais malgré les 200 000 livres qu’elle versa pour le faire sortir il restera en prison, bien mieux, elle sera incarcérée à son tour, toujours à Cahors. Ils seront libérés à la fin de l’année 1793 grâce à l’intervention du député Baudot.
Rentrés chez eux, elle soigne son mari ; il décide qu’elle sera son unique héritière. Depuis longtemps Mme Gényer consacrait son temps aux soins à donner aux malades, malheureux et déshérités. A partir du décès de son mari elle fera de sa grande maison de la rue du Pont un véritable couvent. Elle obtint de l’évêque de Cahors l’approbation de créer le couvent de la Miséricorde. Dès 1806 son établissement peut fonctionner. Elle prend le titre de Mère Marie de Jésus. Non seulement les sœurs de la Miséricorde eurent pour but de soigner les malades mais aussi elles faisaient gratuitement la classe pour les jeunes filles pauvres et Mme Gényer de créer une Congrégation de jeunes filles afin d’instruire dans la religion une jeunesse née dans les jours douloureux de la Révolution.
Le 16 novembre 1812 Jean Pierre Detours, maire de Moissac, écrit au sous Préfet : «  La dame veuve Gényer de cette ville, vouée par des motifs de religieuse s’est associée à quelques demoiselles qui concourent avec elle à cette bonne œuvre ; elle accueille en outre un certain nombre d’orphelines dénuées de tout moyen d’existence ». Plus tard, le 13 janvier 1813, il ajoute : «  Le projet formé par Madame Gényer d’établir dans cette ville une école gratuite pour les enfants de familles pauvres me paraît mériter, non seulement l’approbation, mais encore la protection de l’autorité supérieure ».**
Entre temps elle fit construire le Petit Séminaire sur l’emplacement de bâtiments ayant appartenus à l’ancienne abbaye de Moissac.*** C’est son frère Charles, curé de St Jacques qui, le premier, en assuma la direction. Par la suite, elle déploya toute son énergie pour créer de nouvelles fondations de la Miséricorde rattachées à la maison mère de Moissac ; la première fut celle d’Agen puis, ce furent les maisons de Cahors, Marmande, Montauban, etc…
Madame Marie Gényer mourut à Moissac dans sa maison de la rue du Pont le 7 juillet 1839.
*Pierre Gényer (ou Ginié) est né le 4 septembre 1737 à Moissac, paroisse Ste Catherine, fils de Ferréol Ginié et de Catherine Goujos (prononciation occitane du patronyme Gouges) AMM GG 40. Il est décédé à Moissac le 9 nivôse an 11 c’est-à-dire le 30 décembre 1802 AMM 1 E 96.
** Correspondance du maire de Moissac au sous Préfet – AMM 2 D 22.
*** Occupé aujourd’hui par le Centre Prosper Mérimée qui abrite notamment la Bibliothèque municipale et le Centre d’Art Roman.

 

Pour en savoir plus :
– Calhiat Henry Mme Gényer (mère Marie de Jésus) fondatrice des sœurs de la Miséricorde de Moissac 1898.
– Vidal Marguerite, écrits divers.
– Ena Henri, Scènes et personnages de la vie moissagaise, fascicules n° 10, 12, 13.
– Ena Suzy, Dans la tourmente de la Révolution : une femme de vocation, Madame Gényer, conférence du 9 novembre 1998 et du 15 septembre 2014.
– Fabre Jean Claude, Images et visages de Tarn-et-Garonne, tome 7, page 154, édité par la Compagnie des écrivains de Tarn-et-Garonne, 2011.