Jean Pierre Detours et Hippolyte Detours

Jean Pierre DETOURS  (1762 Moissac – 1856 Moissac)
JPDetoursAu 18e siècle les Detours sont des négociants, ils habitent une grande maison située dans le faubourg Guileran (aux dires des descendants de cette famille cette maison aurait servi d’auberge). En 1772, le testament de son père, Pierre Detours, nous indique que cette famille possède, outre la maison précitée, un chai dans la rue Caillavet, une vigne à Landerose et une métairie au lieu-dit « bufobent » sur la paroisse d’Esmes. Ce sont des bourgeois aisés, mais travailleurs. Plus tard, par le jeu des mariages ils seront unis aux « de Saint-Paul, aux Cazamajour et à une ancienne famille de la bourgeoisie moissagaise les «Demotes » (ancêtres des Pétignot – Marcadet).
Tout comme son collègue, Pierre Delbrel, acquis aux idées révolutionnaires, il participa activement au grand mouvement de la Révolution. Dès 1792 il s’enrôla dans l’armée pour la défense des frontières. Versé dans le 1er bataillon de « Rhône et Loire » il y resta six mois. De retour à Moissac, il reçut l’autorisation de lever, à ses frais, « une compagnie franche » destinée à se joindre à l’armée des Pyrénées Occidentales. Il restera dans l’armée jusqu’au 20 vendémiaire de l’an 4 (12 octobre 1795). Il quitta l’armée pour raison de santé avec le grade de « chef de brigade adjoint général », grade équivalent à « général de brigade ».
Par son mariage, qui eut lieu à Moissac le 10 pluviôse an 6 (29 janvier 1798), avec Angélique Delpéré Cardailhac de Saint-Paul, il fait son entrée dans la petite aristocratie locale. Ils eurent cinq enfants : un garçon prénommé Hippolyte et quatre filles dont l’une, Emilie, sera l’arrière grand-mère de mademoiselle Iseult Marcadet. Son beau-père : Jean Hippolyte baron de Saint-Paul ; sa belle-mère : Magdelaine de Cazamajour.
Les « de Saint-Paul » font partie de la petite noblesse terrienne, ils sont propriétaires du château de Sainte Livrade et, à Moissac, ils possèdent une belle demeure au n° 13 de la rue Jean Moura. Ils sont un rameau de la très ancienne branche quercynoise des « Cardailhac ». Quant aux « Cazamajour », leur origine, tout aussi très ancienne était issue de la région de Limoux dans la vallée de l’Aude.
Jean Pierre Detours s’élèvera un peu plus dans l’échelle sociale lorsqu’il recevra de Napoléon 1er le titre de « baron d’Empire » en 1811.
Il présidera aux affaires de la commune de Moissac à partir du 18 mars 1808 et ce jusqu’au 26 décembre 1829, hormis la courte période des Cent Jours. C’est lui qui, en tant que maire, eut l’honneur de recevoir l’Empereur de passage à Moissac dans la soirée du 29 juillet 1808 et de lui présenter les principales revendications de la population moissagaise à savoir : un nouveau pont sur le Tarn, un tribunal pour ne plus dépendre de Lauzerte, une Sous-préfecture, un collège municipal,… Tout ceci fut immédiatement accordé. Les travaux pour le pont furent entrepris dès le printemps 1812, stoppés en 1814 à cause du manque d’argent, repris en 1820 et terminés en décembre 1824.
Grâce à l’opiniâtreté de Jean Pierre Detours la ville de Moissac se verra dotée d’un corps de Sapeurs-pompiers dès les années 1820/1830. Après Montauban, Moissac sera la seconde ville du Tarn-et-Garonne à avoir une compagnie qui comprendra, dès le début, douze pompiers (voir l’ouvrage de Martine Sünez « Pompiers de Moissac, des hommes d’honneur », mars 2016).
Jean-Pierre Detours s’éteint à Moissac le 23 novembre 1856, après une vie bien remplie. Son effacement et sa discrétion lors du retour de Napoléon au mois de mars 1815, lui permettront de conserver son fauteuil de maire durant toute la Restauration et même, d’obtenir le titre de « chevalier de la Légion d’honneur » de la part du roi Louis XVIII.

 

Hippolyte DETOURS (1799 Moissac – 1885 Limoux).
Detours2Nous venons de voir qu’Hippolyte Detours est le seul garçon, il est l’aîné de cette famille de cinq enfants. Il fut élevé à Sorèze. Devenu avocat, il s’inscrit au barreau de Moissac. Très doué lors les joutes oratoires cela lui valut d’être élu, avec André Delbrel, représentant du peuple et de siéger à l’extrême gauche de l’Assemblée Constituante en 1848. Réélu en 1849 à l’Assemblée législative il vota toujours à gauche : il vota notamment contre la peine de mort et aussi, contre l’augmentation de 50 000 f par mois du traitement du Président de la République.
Après le coup d’Etat du Prince Louis Napoléon Bonaparte, il ne sera pas réélu et entrera dans l’opposition. Il reprit son métier d’avocat ; il plaida avec succès devant les Cours d’Assises. En 1871, il rêva à nouveau de jouer un rôle politique : ce fut un échec, son nom était oublié, il n’était plus dans le vent. Il se retira chez son fils à Limoux où il mourut quelques années plus tard.
Très populaire auprès du petit peuple car il possédait à merveille l’usage parlé de notre langue d’oc. Pas un ne savait comme lui conter une anecdote dans cette jolie langue. Il eut toute sa vie l’amour de la déclamation d’où son goût pour le théâtre et la poésie (voir notre ouvrage « Dictionnaire des noms de rues de Moissac », édition ostal redond pages 70/71. Voir aussi, la Feuille Villageoise du jeudi 9 juillet 1885).
Très généreux, il ne sut pas gérer ses biens et il dilapida une bonne partie de sa fortune, ce que sa famille lui reprocha par la suite. Aujourd’hui il ne nous reste qu’un nom de rue pour ne pas oublier son nom.
René Pautal